L’ANCIEN RÉGIME
Qu’est-ce q’un roi?
Dieu établit les rois comme ses ministres et règne par eux sur les peuples.
Les princes agissent comme ministres de Dieu et ses lieutenants sur la Terre.
C’est par eux qu’il exerce son empire. Le trône royal n’est pas le trône d’un
homme mais le trône de Dieu même. Il paraît de tout cela que la personne des
rois est sacrée et qu’attenter contre eux c’est un sacrilège. Il y a donc
quelque chose de religieux dans le respect qu’on rend au prince. Il n’y a que
Dieu qui puisse juger de leurs jugements et de leurs personnes.
Jacques Bossuet :
Politique tirée de l’Écriture Sainte, 1678-1709.
La hiérarchie des trois ordres
Il faut qu’il u ait d’ordre en toutes choses (…) Car nous ne pourrions pas
vivre en égalité de condition, il faut par nécessité que les un commandent et
les autres obéissent. Ceux qui commandent ont plusieurs degrés : les
souverains seigneurs commandent à tous ceux de leur état, adressant leur
commandement aux grands, les grands aux médiocres, les médiocres aux petits et
les petits au peuple (…).
Les uns sont dédiés au service de Dieu ; les autres à conserver l’État
par les armes ; les autres à le nourrir et maintenir par les exercices de la paix. Ce sont nos
trois ordres de France.
Charles Loyseau ; Traité
des ordres et simples dignités. 1610
L’essor de la bourgeoisie
La France avait fondé des colonies en Amérique, établi un commerce
maritime, crée des manufactures (…). Les richesses immenses ne s’étaient
répandues que sur les gens du peuple, les préjuges de la noblesse l’excluant du
commerce et de l’industrie. Á Paris et dans les grandes villes, la bourgeoisie
était supérieure en richesses, en talents et en mérite personnel. Elle se
voyait exclue par les règlements militaires des emplois dans l’armée ;
elle l’était du haut clergé par le choix des évêques parmi la haute noblesse
(…). La haute magistrature le rejetait également, et la plupart des cours
souveraines n’admettaient que des nobles.
Marquis de Bouillé,
Mémoires. 1801.
L’Encyclopédie présentée par
Diderot
Le but d’une encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur
la surface de la Terre, d’en exposer le system général aux hommes avec qui nous
vivions et de le transmettre aux hommes
qui viendront après nous, afin que les travaux des siècles passés n’aient pas
étés des travaux inutiles pour les siècles que succéderont, que nos neveux,
devenus plus instruits, deviennent en même temps plus heureux et que nous ne
mourrions pas sans avoir mérité du genre humain (…). Il faut tout examiner,
tout remuer sans exception et sans ménagement (…). Il faut fouler aux pieds
toutes ces vielles puérilités, renverser les barrières que la raison n’aura
point posées, rendre aux sciences et aux arts une liberté qui leur est si
précieuse (…). Il fallait un temps raisonneur, où l’on ne cherchât les règles
dans les auteurs mais dans la nature.
Prospectus pour
l’Encyclopédie, 1750.
LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE
Au Creusot
Le ciel est bleu, tout bleu, plein de soleil. Le train vient de passer
Montchanin. Là-bas, devant nous, un nuage, s’élève, tout noir, opaque, qui
semble monter de la terre, qui obscurcit l’azur clair du jour, un nuage lourd,
immobile. C’est la fumée du Creusot. On approche, on distingue. Cent cheminées
géantes vomissent dans l’air des serpents de fumée, d’autres moins hautes et
haletantes crachent des haleines de vapeur ; tout cela se mêle, s’étend,
plane, couvre la ville, emplit les rues, pique les yeux, tache la peau, macule
le linge. Les maisons sont noires, comme frottés de suie, les paves son noirs, les vitres
poudres de charbon. Une odeur de cheminée, de goudron, de houille flotte,
contracte la gorge, oppresse la poitrine, et parfois une âcre saveur de fer, de
forge, de métal brûlant, d’enfer ardent
coupe la respiration, vous fait lever les yeux pour chercher l’air pur, l’air
libre, l’air saint du grand ciel ; mais on voit planer là-haut le nuage
épais et sombre, et miroiter près de soi les facettes menues du charbon qui
voltige. C’est le Creusot.
Guy de Maupassant. Petits
voyages : le Creusot. 28 août 1883.
LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Qu’est-ce que le tiers
état ?
Qu’est-ce que le tiers état ? Tout.
Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien.
Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose.
Qui oserait dire que le tiers état n’a pas en lui tout ce qu’il faut pour
former une nation complète ? Il est l’homme fort et robuste dont un bras
est encore enchainé. Si l’on ôtait l’ordre privilégié, la nation ne serait pas
quelque chose de moins, mais quelque chose de plus. Ainsi qu’est-ce que le
tiers état ? Tout, mais un tout entravé et opprimé. Que serait-t-il sans
l’ordre privilégié ? Tout, mais un tout libre et florissant.
Abbé Sieyès : Qu’est-ce que le tiers état ? Janvier
1789.
L’égalité devant l’impôt
Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses
d’administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit
être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
Article 13 de la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen. 1789.
L’exigence d’égalité
Le mot vous est contre le droit de l’égalité ; ce mot n’a été que pour
appuyer les de la féodalité et le mot toi est le vrai nominatif dont les hommes
libres doivent se servir.
Assemblée général des
sans-culottes, 4 décembre 1792.
Instructions de Luis XIV au baron
de Breteuil
Au lieu d’une guerre civile, ce sera une guerre politique. L’état physique
et moral de la France fiat qu’il est impossible de soutenir une demi-campagne
mais il faut que j’aie l’air de m’y livrer franchement (…). Il faut que ma
conduite soit telle que, dans le malheur, la nation ne voie de ressources qu’en
se jetant dans mes bras.
14 décembre 1791
Pour la mort du roi
Vous n’avez pas une sentence à rendre, mais une mesure de salut publique a
prendre (…). Louis fut un roi et la République est fondée ; la question
fameuse qui vous occupe est décidée par ces seuls mots. Louis a été détrône par
ses crimes ; Louis dénonçait le peuple français com rebelle ; il a
appelé, pour le châtier, les armées des tyrans, ses confrères ; la
victoire et le peuple ont décidé que lui seul était le rebelle ; Louis ne
peut donc être jugé ; il est déjà
jugé. Il est condamné.
Robespierre, discours à la
Convention. 3 décembre 1792.
La République des propriétaires
Vous devez garantir enfin la propriété du riche (…). L’égalité civile,
voilà tout ce que l’homme raisonnable peut exiger (…). L’égalité absolue est
une chimère (…).
Nous devons être gouvernés par les meilleurs ; les meilleurs sont les
plus instruits et les plus intéressés au maintien des lois ; or, à bien
peux d’exception près, vous ne trouverez de pareils hommes que parmi ceux qui,
possédant une propriété, sont attachés au pays qui la contient, aux lois qui la
protègent, à la tranquillité qui la conserve (…).
Si vous donnez à des hommes sans propriété les droits politiques sans
réserve (…) ils nous précipiteront enfin dans ces convulsions violentes dont
nous sortons à peine.
Boissy d’Anglas, le 5
Messidor an III (23 juin 1795).
Le programme de Bonaparte
J’entends que mon gouvernement réunisse tous les Français (…). La fin de la
Révolution ne peut résulter que du concours de tous, et les divers partis ne
peuvent être contenus et devenir inoffensives les uns aux autres que par une
clé de voûte assez forte pour ne céder à aucun effort (…). La Révolution ne
finira que par le retour des émigrés, des prêtres, tous assujettis, contenus
par un bras de fer, né dans la Révolution.
Lettre de Napoléon Bonaparte
á son frère Joseph.
LA RESTAURATION ET LES RÉVOLUTIONS LIBERALES
La Sainte Alliance
Au nom de la très sainte et indivisible Trinité. Leurs majestés l’empereur
d’Autriche, le roi de Prusse et l’empereur de Russie (…) sont convenues des
articles suivants :
Art.1-Conformément aux paroles des Saintes Écritures qui ordonnent à tous
les hommes de se regarder comme frères, les trois monarques contractants
demeureront unis par les liens d’une fraternité véritable et indissoluble et,
se considérant comme compatriotes, ils se prêteront en toute occasion et en
tout lieu assistance, aide et secours.
Art2.-Le seul principe en vigueur, soit entre les trois souverains, soit
entre leurs sujets, sera celui de se considérer comme membres d’une même
famille chrétienne.
Pacte de la Sainte Alliance,
26 septembre 1815.
Qu’est-ce qu’une nation ?
La nation est l’aboutissement d’un long passé d’efforts, de sacrifices et
de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les
ancêtres nous ont fiat ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands
hommes, de la gloire (j’entends de la véritable), voilà le capital social sur
lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans le passé,
une volonté commune dans le présent ; avoir fait des grandes choses
ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être
un peuple. (…) Une nation est donc une grande solidarité.
Ernest Renan. Qu’est-ce qu’une nation ? Conférence faite á la
Sorbonne, le 11 mars 1882.
L’UNIFICATION DE L’ITALIE ET L’ALLEMAGNE
L’Italie en 1845
Nous sommes un peuple de vingt et un à vingt-deux millions d’hommes,
désignés depuis un temps immémorial sous le même nom, celui du peuple italien,
renfermé entre les limites naturelles les plus précis que Dieu ait jamais tracées,
parlant la même langue, ayant les mêmes croyances, les mêmes mœurs, les mêmes
habitudes, fiers du plus glorieux passé politique, artistique, qui soit conne
dans l’histoire européenne (…).
Nous n’avons pas de drapeau, pas de nom politique, pas de rang parmi les
nations d’Europe. Nous sommes démembrés en huit États, indépendants les uns des
autres, sans alliance, sans unité de vue, sans contacts réciproques réguliers.
Un de ces États, comprenant à peu près le quart de la Péninsule, appartient à
l’Autriche ; les autres, quelques-uns par des liens de famille, tous par
le sentiment de leur faiblesse, en subissent aveuglement l’influence.
G. Mazzini, L’Italie,
L’Autriche et le Pape, 1845.
Le programme de Bismarck
La Prusse, comme un coup d’œil jeté sur la carte le montre, ne pouvait avec
son corps mince et allongé porter seule plus longtemps l’armure dont
l’Allemagne avait besoin pour sa sécurité ; il fallait que tous les
allemands en prissent également leur part. Nous n’attendrions pas le bout par
des discours, des associations, des votes de majorité. Il n’était pas possible
d’éviter une lutte sérieuse, une lutte
qui ne se viderait que par le fer et le sang. Pour nous assurer le
succès de cette lutte, les députés devraient mettre dans la main de roi du
Prusse le plus grands poids possible de fer et de sang pour qu’il pût à son gré
le jeter dans l’un ou l’autre plateau de la balance.
Bismarck, discours du 30
septembre 1862.
PROBLÈMES SOCIAUX ET MOUVEMENT OUVRIÈRE
La loi de 1841 sur le travail des
enfants
Art.2-Les enfants devront, pour être admis, avoir au moins huit ans.
De huit à douze ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus
de huit heures sur vingt-quatre, divisées par des repos.
De douze a seize, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de
douze heures sur vingt-quatre, divisées par des repos.
Ce travail ne pourra avoir lieu que de cinq heures du matin à neuf heures
du soir.
L’âge des enfants sera constaté par un certificat délivré, sur papier non
timbré et sans frais, pour l’officier de l’état civil.
Extrait de la loi du 22 mars
1841.
La lutte des classes
L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire des
luttes de classes. Hommes libres et esclaves, (…) barons et serfs, maîtres et
compagnons, en un mot, oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont
mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée ; une
guerre qui finissait toujours par une transformation révolutionnaire de la
société toute entière, ou par la destruction des deux classes en lutte.
La naissance du prolétariat
L’introduction des machines et la
division du travail, dépouillant le travail de l’ouvrier de son caractère
individuel, lui ont enlevé tout attrait. Le producteur devient un simple
appendice de la machine, on n’exige de lui que l’opération la plus simple, la
plus monotone, la plus vite apprise. Par conséquent, le coût de production de
l’ouvrier se réduit à peu près aux moyens d’entretien dont il a besoin pour vivre
et propager sa race. (…).
Le petit bourgeoise, les petits industriels, les marchands, les petits
rentiers, les artisans et les paysans propriétaires tombent dans le
prolétariat ; d’une part, parce-que leurs petits capitaux ne leur
permettant pas d’employer les procédées de la grande industrie, ils succombent
dans leur concurrence avec les grands capitalistes ; d’autre part,
parce-que leur habilité spéciale est dépréciée par les nouveaux modes de
production. De sorte que le prolétariat se recrute dans toutes les classes de
la population.
Karl Marx. Le Manifeste du
parti communiste, 1848
LES GRANDES PUISSANCES EUROPÉENNES
Un communard prend la parole
Elle (la Commune) devra s’abord s’occuper de chasser les Prussiens, c’est
bien entendu. Les Prussiens chasses, la Commune, comme tous les gouvernements
de ce monde, aura besoin d’argent. Il lui en faudra moins qu’aux autres, parce
qu’elle aura soin de décréter l’égalité des appointements et des salaires. Où
le prendra-t-elle ? D’abord dans les églises où abondent les ornements
d’or et d’argent dont elle fera de la monnaie ; elle pourra aussi
transformer les cloches en gros sous, enfin elle confisquera les biens du
clergé, des congrégations religieuses, des bonapartistes et des fuyards; avec
le produit de ces diverses confiscations, elle nourrira le peuple et elle
commanditera les associations ouvrières qui remplaceront les patrons, les
grandes compagnies et en particulier les compagnies du chemin de fer dont elle
congédiera les actionnaires, les administrateurs et autres parasites.
Club de l’Élysée-Montmartre,
23 décembre 1870
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